Commémoration du Génocide Arménien – Istanbul

Pour le centenaire du génocide des Arméniens, Marie-Catherine Poirier a participé aux commémorations organisées à Istanbul, là même où ont eu lieu les arrestations d’intellectuels arméniens vivant dans cette ville.
Des événements étaient organisés toute la semaine par diverses organisations, turques et étrangères: concerts, conférences, rassemblements, manifestations….

J’ai participé à plusieurs actions le jour même du 24 avril :

  • Un rassemblement devant le Musée des arts turcs et islamiques, devant Sultanahmet (Mosquée Bleue). Ce musée était en 1915 la prison où les intellectuels arméniens arrêtés le 24 avril ont été envoyés avant d’être déportés. Il y avait là environ 200 personnes, majoritairement  d’origine arménienne, avec un bon nombre de français, mais aussi des turcs d’organisations impliquées dans cet événement et aussi une petite délégation du conseil régional d’Ile-de-France.

  • Une cérémonie de mémoire au cimetière arménien, sur la tombe de Sevag Balikci. Ce jeune homme était soldat dans l’armée turque et a été assassiné à l’âge de 25 ans par un soldat turc nationaliste le 24 avril 2011, jour anniversaire du génocide des arméniens. Il y avait là plusieurs centaines de personnes, beaucoup de turcs, arméniens ou pas, mais aussi beaucoup de personnes d’origine arménienne de divers pays (américains, anglais, belges, français…). Il y avait une délégation du parti Vert turc (YSGP). Il y avait aussi des membres de l’UEJF (Union des étudiants juifs de France) faisant partie d’une délégation de l’EGAM (European Grassroots Antiracist Movement). C’était très émouvant, la famille recevait des condoléances et était très digne… J’ai déposé un bouquet d’œillets rouges sur la tombe.

  • une manifestation, allant de l’université de Galatasaray à l’entrée de la place Taksim (cette dernière est interdite de manifestations depuis les grosses manifestations de mai-juin 2013 au parc Gezi). Environ 5000 participants, en majorité de la gauche radicale turque (dont le parti Vert), les représentants de la diaspora arménienne s’étant rassemblés à l’arrivée place Taksim, devant le consulat de France, où a eu lieu ensuite un sit-in avec prises de parole et chants. J’ai déposé un bouquet d’œillets rouges au pied de « l’arbre à vœux » qui avait été réalisé, selon une tradition arménienne pré-chrétienne.

 

Côté ambiance : au départ et à la fin, des petits groupes ultranationalistes sont venus hurler leur haine avec notamment des panneaux disant: « Pape, Poutine, Obama – Vous êtes le génocide »!!! Il convient de mentionner que la police a fait un bon travail de « maintien de l’ordre public » en isolant ces groupes, protégeant de fait la manifestation « pro-arménienne » autorisée. Des militants turcs nous ont dit qu’ils s’attendaient à cela, puisque « notre » manifestation était autorisée et pas les autres. Il convient aussi de dire que les manifestants autour de moi étaient décidés mais de grand sang-froid, avec un bon service d’ordre, ne se laissant pas aller quand  un excité s’est mis à hurler dans leur direction. La réaction a été de couvrir sa voix avec des slogans (4 en arménien et 4 en turc, en mémoire de Hrant Dink et de Sevag Balikci, contre le fascisme, pour la résistance, contre la négation du génocide…).

Dans la manifestation, il y avait beaucoup de pancartes avec le portrait de Sevag Balikci. Et aussi des pancartes de Nor Zartonk (association arménienne de Turquie). Et une pancarte citant explicitement le génocide des arméniens, la nôtre, disant en français « La Turquie doit reconnaître le génocide arménien » dans les 3 couleurs du drapeau arménien, rouge, bleu, orange. Elle a été beaucoup photographiée et approuvée par les présents.

Côté analyse : selon des militants turcs, cette manifestation était un succès et elle n’était même pas imaginable il y a dix ans. Pour eux, la reconnaissance du génocide est une question de principe, mais aussi un verrou à faire sauter pour l’avenir de la Turquie, pour une reconnaissance d’une société multiculturelle et non pas seulement « pure-turque » comme l’ont rêvée les mouvements pan-turcs qui imaginent une « Grande Turquie » de l’Europe à la Chine….

Tous les militants rencontrés, Verts et autres, sont dans ou proches de la plateforme « HDP » (Parti démocratique du peuple), bâtie sur la base d’un parti kurde, le BDP. (Parti de la paix et de la démocratie). Cette plateforme se présente sous ce nom aux élections législatives du 7 juin prochain et espère pouvoir dépasser les 10% de voix qui permettent d’entrer au Parlement.

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