Il faut aller voter et faire voter le 7 juin !
Il faut aller voter parce que le Parlement européen est la seule instance européenne élue au suffrage universel, représentant donc réellement les citoyens.
Il faut aller voter parce que 70 % des lois qui nous concernent sont issues des institutions européennes et doivent beaucoup au travail des parlementaires européens.
Il faut aller voter pour démentir le discours larmoyant des médias affirmant que les Français se désintéressent du Parlement européen ne sachant pas ce qui s’y fait. C’est là un discours récurrent précédant toutes les élections européennes depuis près de vingt ans. Mais ce qui montre l’inconséquence desdits médias est la réponse que font les journalistes interrogés sur la place accordée aux travaux de ce parlement dans leur presse, leur radio ou leur télévision. Elle est infinitésimale quand elle n’est pas nulle sauf un mois avant une élection.Vous pouvez faire l’expérience dans vos journaux, émissions de radio ou de télévision favoris. Combien de fois y avez-vous trouvé un écho du travail du Parlement européen, par exemple entre le 1° mai et le 1° novembre 2008 ? Et pourtant ce parlement travaille, en continu, du mois de septembre d’une année au mois de juillet de l’année suivante. Mais ceux là même qui sont censés informer et qui se plaignent que les Français ignorent le Parlement européen sont les premiers à n’en rien dire. Et puis, il y a ce discours récurrent de nos ministres (quel que soit leur bord politique d’ailleurs) réitérant que lorsque des choses vont mal pour des Français, c’est de la faute des « technocrates de Bruxelles ». C’était encore le cas de l’un d’entre dont on taira le nom par charité qui déclarait le 28 avril « on a trop longtemps souffert d’une Europe des technocrates, déconnectés de la réalité ». C’est totalement faux ! La Commission européenne exécute les décisions des conseils des ministres européens qui d’ailleurs, assez souvent, ne tiennent pas assez compte du Parlement. Il est donc important de renforcer les pouvoirs de ce parlement qui a déjà acquis la co-décision. Lorsque la Commission européenne décide seule c’est parce que les ministres et chefs de gouvernements se sont défaussés et n’ont pas pris leurs responsabilités.
Pour qui voter ? Actuellement et ce depuis plus de vingt ans, deux groupes constituent la majorité parlementaire : le Parti populaire européen-PPE (dont font partie les élus UMP) et le Parti socialiste européen-PSE (dont font partie les élus socialistes). Leur adversité politique déclarée est une adversité de façade. PPE et PSE s’entendent comme larrons en foire lorsqu’il s’agit de se répartir les postes de responsabilités (présidence, vice-présidences du parlement, présidences de commissions, etc.). On l’a encore vu en 2004. Le polonais Bronislaw Geremek, historien réputé, pilier de Solidarnosc, ancien ministre des affaires étrangères de Pologne, humaniste européen convaincu, personnalité incontestée s’était présenté à la présidence du Parlement. Il avait la stature voulue pour assumer un tel poste, lui qui était «un héraut de la lutte pour la liberté et l’unité de l ‘Europe ». Mais il n’a pas été élu. Le PPE et le PSE ont préféré, selon un arrangement « entre amis », faire élire un obscur socialiste catalan issu de leurs rangs. Ainsi les membres du PPE ont-ils voté pour un candidat du PSE, à charge de revanche puisque lors du renouvellement des postes, à mi-mandat, en 2007, les membres du PSE, renvoyant l’ascenseur, ont voté pour un allemand candidat du PPE aussi obscur…Mais que n’a-t-on pas entendu lors du décès de B. Geremek en juillet 2008 ! Ceux-là même et les amis de ceux qui s’étaient opposés à son élection à la présidence du Parlement l’ont couvert de louanges. On a même entendu notre Président de la République dire de lui que c’était un « homme exceptionnel » qui avait « su incarner les valeurs fondatrices de l’idéal européen ». On comprend donc mal pourquoi les députés européens français de l’UMP avaient en 2008 repoussé la candidature d’un homme jugé aussi exceptionnel par leur patron…
C’est pourquoi il faut bousculer une omnipotence du PPE et du PSE qui dure depuis deux décennies et freine la dynamique européenne. L’Europe ne fait plus rêver dit-on. C’est vrai lorsque l’on voit les deux groupes parlementaires majoritaires au Parlement européen plus soucieux « d’arrangements » entre eux que d’ouvertures. Recroquevillés sur leurs acquis, ils ne laissent que, de temps à autres, quelques responsabilités à ceux qui développent de nouvelles idées et veulent une Europe vivante . Ces groupes se sont opposés au développement d’une Europe sociale et environnementale préférant comme alpha et oméga la libre circulation des marchandises, le libre fonctionnement du marché y compris dans ses pires errements, la dérégulation financière bienveillante aux paradis fiscaux, etc. On voit où cela nous a conduit.
Pour ma part je voterai Europe Ecologie qui rassemble des membres des Verts et des personnalités comme Eva Joly. Même si je ne suis pas membre des Verts, j’ai travaillé avec eux lorsque j’étais au Parlement européen entre 1989 et 1994. J’ai pu alors constater les blocages gouvernementaux face aux tentatives de réformes d’une Politique agricole commune source de misère et de désespérance en Afrique (par le biais de subventions aux exportations de produits agricoles) ; d’une Politique européenne de la Pêche conduisant à l’effondrement des stocks halieutiques en Europe et au pillage de ceux des côtes africaines ; d’un encadrement des flux financiers et de leurs paradis, sans parler de ce qui touche au social ou à une Europe politique, etc. J’ai pu constater que lorsque le groupe parlementaire auquel j’appartenais proposait une orientation nouvelle de certaines politiques européennes, il se heurtait à l’hostilité des groupes «établis» respectueux des pensées uniques du moment. Nous avons eu le tort, sur bien des sujets, d’avoir raison trop tôt et d’être trop faibles politiquement pour pouvoir infléchir le cours des choses.
Alors pour que cela change, il faut que changent les majorités au Parlement européen et que cesse l’omnipotence des éléphants bleus et des éléphants roses. Je fais confiance à une souris verte… Je fais, en particulier, confiance à Eva Joly qui lorsqu’elle instruisait le dossier Elf a pu mesurer l’ abîme séparant le discours vertueux de responsables politiques et de hauts fonctionnaires français (de « droite » comme de « gauche ») des réalités obscènes de certaines circulations d’argent. Y. Mény (La Corruption de la République) l’avait déjà écrit en 1992. Eva Joly l’ a vécu et l’a raconté. A ceux qui penseraient que j’affabule je conseille la lecture de « Est-ce dans ce monde-là que nous voulons vivre ? » (Les Arènes. 2003) et de « Des héros ordinaires » (Les Arènes. 2009) . L’Europe est un bon niveau pour agir sur un système aberrant conduisant à ce que, au niveau mondial, lorsque 3200 milliards de $ circulaient chaque jour en 2007, seuls 115 correspondaient à des activités économiques réelles…Comme l’écrivait, il y a peu (Lettre du comité chrétien de solidarité avec les chômeurs et les précaires. n° 77) François Soulage, président du Secours catholique, les dirigeants du G 20 réunis à Londres le 2 avril dernier, n’ont pas pris de « décisions » en matière de paradis fiscaux, de « hedges funds », de rémunérations, d’agences de notations, etc., ils se sont contentés de « recommandations »… Alors, il y a encore beaucoup à faire.
C’est parce que je ne veux pas que mes enfants et petits-enfants vivent encore demain dans « ce monde-là », source de misère et de désespérance; c’est parce que je crois en l’Europe, mais pas dans une Europe qui, oubliant l’homme, ne soit plus que celle de marchands barricadés derrière des frontières électrifiées et prompte à mettre dans des centres de rétention « administratifs » ceux que la misère (dont elle est quelquefois la cause) jette sur les routes ou sur les mers, que je voterai Europe Ecologie.
Paris, le 14 mai 2009
Jean-Pierre Raffin (DR)
Ancien membre du Parlement européen