Pourquoi pas le Mozambique ?

France inter, 7h50 ce matin. Yannick Jadot est l’invité de la matinale. Pensez-vous qu’on lui parle du climat, du Brexit, ou encore de la directive droit d’auteur ? Que nenni. On lui parle de Pascal Canfin, fraîchement intronisé numéro deux sur la liste LREM pour les élections européennes. Alors monsieur Jadot, vous voilà bien dans l’embarras maintenant que votre ancien collègue est passé avec armes et bagages chez Macron. Vous faites moins le malin. Et d’abord l’écologie elle est partout maintenant non ? Toute la jubilation de la journaliste pointe à chaque relance. Elle rêve de coincer Yannick Jadot, de débusquer ses faiblesses, de montrer à quel point sa campagne est dans l’impasse. Son grand sujet c’est la stratégie. Nous sommes le lendemain de la présentation du programme des écologistes pour les élections européennes mais elle ne posera qu’une question de fond : la banque pour le climat de Macron et votre plan d’investissement de 100 milliards par ans c’est la même chose non ? Donc LREM et EELV c’est bonnet blanc et blanc bonnet non ? Et donc ça ne sert à rien de voter pour vous au fond. Elle n’a pas dit ça me direz-vous. Elle l’a pensé si fort que les micros s’en souviennent.

Dans une question, le non prononcé est au moins aussi important que le prononcé. Non dire c’est déjà dire. Dire un ordre du monde, une hiérarchie des faits, une nomenclature de l’importance. Et visiblement, Yannick Jadot, aux yeux de la journaliste qui l’interroge n’est pas un important mais un importun. Il tentera vaillamment, tout au long de l’échange d’attirer la journaliste sur des sujets de fond. Mais la messe était dite avant que l’interview ne démarre : ce qui compte ce matin, c’est la belle prise de guerre des macronistes qui disposeront d’ailleurs d’un long temps d’antenne. Nous ne contestons pas que la prise de position de Pascal Canfin soit un fait de campagne notable. Nous y reviendrons d’ailleurs en détail demain pour répondre sur le fond aux arguments indigents avancés par notre ancien camarade. Mais puisque nous maîtrisons les sujets que nous mettons à l’ordre du jour de cette newsletter nous souhaitons parler du climat et des catastrophes causées par sa dégradation accélérée. Nous voulons dire un mot du Mozambique et du cyclone Idai qui a frappé ce pays ainsi que le Malawi et le Zimbabwe.

Quel rapport avec le début de cette chronique ? Tout. La catastrophe en cours ne suffit pas à modifier les us et coutumes des médias et leur manière de considérer l’importance des sujets et les questions réellement essentielles. L’écologiste Yannick Jadot a subi la dictature du non-dit. Le Mozambique lui, subit la dictature du hors-champ. Le Mozambique n’est pas digne d’intérêt, pas susceptible de retenir notre attention. Trop loin. Trop pauvre. Trop tropical. Frappé d’invisibilité, le pays souffre en silence et panse difficilement ses plaies. Si l’injustice climatique existe, l’injustice médiatique la redouble. Surtout lorsque les victimes des catastrophes ont la peau brune. La vie des Africains compte pourtant, non ? Peut être. Ce matin sur France inter, on n’a pas parlé du programme de Yannick Jadot pour sauver le climat. Et on n’a pas davantage parlé du Mozambique. Le programme des écolos et les catastrophes climatiques africaines étaient logés à la même enseigne, rangés au rayons des sujets jugés peu dignes d’intérêt. Gageons que les citoyennes et les citoyens qui écoutaient la matinale auraient aimé entendre parler de l’un et de l’autre. Et demandons aux membres de la liste des écologistes de tenir bon et de refuser de céder à l’injonction qui leur est faite de ne parler que de tactique et jamais des sujets qui structurent l’avenir de la planète. La campagne ne fait que commencer. A un moment ou un autre on séparera l’écume des jours de la profondeur des choses. Un jour ou l’autre on parlera programme. Et peut être même du Mozambique.

Rendez-vous en mai…

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