Le logement social victime de la seule logique comptable

Le congrès de l’Union sociale pour l’habitat se tient cette semaine à Toulouse. Comme chaque année la grand-messe bien réglée du logement social égrènera ses discours convenus. Les directeurs d’offices et de sociétés bailleurs arpenteront les interminables allées de stands de la foire aux fournisseurs, et la Confédération nationale du logement distribuera sa déclaration habituelle réclamant à l’Etat des milliards pour les HLM

 

Pendant ce temps, les files de demandeurs s’allongent aux guichets des mairies, les populations les plus gênantes, comme les Roms, sont reléguées dans de nouveaux bidonvilles, les familles modestes s’entassent dans des logements trop petits où leurs enfants manquent de l’espace nécessaire à leur épanouissement et à leur réussite scolaire… Comment en est-on arrivé à un tel décalage entre nobles principes et résultats catastrophiques ?

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Le logement social était censé permettre de loger des personnes modestes n’ayant pas les capacités financières d’accéder au marché privé. Or, depuis trente ans, le marché immobilier a connu une véritable flambée des prix. Désormais, ce ne sont plus les seules catégories modestes qui sont exclues de l’accès au logement mais aussi les classes moyennes. Face à cette situation, la vieille gauche s’est contentée de poursuivre une politique malthusienne de réhabilitation du parc existant et de tenir un discours incantatoire sur la production en nombre de logements sociaux.

 

Soyons clairs, il faut construire en masse des logements sociaux. Mais il est illusoire de s’imaginer que les politiques de production puissent à elles seules garantir le respect du droit au logement. Il est plus que temps d’enrayer un marché spéculatif qui exclut en masse nos concitoyens. Il est plus que temps de mettre un terme à une équation où le marché engrange de larges bénéfices, pendant que l’Union sociale pour l’habitat gère la crise, en gardienne du temple.

 

Les discours officiels des acteurs du logement qui dénoncent l’incurie de l’Etat cherchent en fait à masquer leur propre responsabilité face à la crise. Certes il est légitime de dénoncer la politique de la droite gouvernementale, qui, par idéologie autant que par clientélisme, utilise l’argent public pour conforter les patrimoines et nourrir la spéculation.

 

Logique de marché

 

Mais il est trop facile de taire l’irresponsabilité de tous les autres acteurs, élus locaux, bailleurs, associatifs et syndicalistes : celle d’une culture du clientélisme qui instrumentalise le logement à des fins électorales, celle des collectivités locales qui, par opportunisme financier, privilégient l’implantation de bureaux au détriment de la construction de logements, celle des syndicats de locataires qui se préoccupent d’abord des gens logés plutôt que des demandeurs, celle des effets d’annonce et les politiques d’affichage qui, de la maison Borloo à 15 000 euros aux 100 logements par jour de Jean-Paul Huchon, font rêver les citoyens sans apporter de réponse à la hauteur de la crise.

 

Celle enfin de la vieille gauche qui a fait du discours de la mixité sociale le paravent d’une culture de stigmatisation du logement social. Ces comportements conduisent

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à une insuffisance de logements, mais aussi à une inadaptation de l’offre, trop souvent oublieuse des catégories modestes qui forment la majorité des mal-logés.

 

A ce contexte s’ajoutent les dérives d’un secteur public de l’habitat qui s’est donné, comme beaucoup d’autres, pour règles de gestion les principes du management le plus néolibéral. Au nom d’un repli dogmatique sur la logique du coeur de métier, un nombre grandissant de missions ont été externalisées, déshumanisant les services, affaiblissant la relation aux locataires, privant les gardiens du statut qui faisait leur autorité dans les cités. Pire, le développement des marchés à l’entreprise a répandu la corruption, tout en encourageant le développement de l’emploi précaire chez les prestataires, au détriment de la qualité du service. La logique comptable s’est imposée partout au détriment de l’ingénierie sociale.

 

Il est plus que temps de rompre avec ces logiques. De moraliser le secteur de l’habitat public et surtout de lui redonner des perspectives. Parce qu’il est nécessaire à chacun, le logement n’est pas une marchandise ; à ce titre, il ne peut relever de la simple logique du marché.

 

Face à la crise du logement, il faut réhabiliter l’intervention publique sur le marché tout en amplifiant la production de logements sociaux. Cela passe par la mise en place d’une politique antispéculative par l’encadrement des loyers, l’inscription de la priorité aux logements dans tous les documents d’urbanisme, la taxation des locaux vides et des bureaux en surnombre. Cela passe aussi par un engagement fort des collectivités locales en faveur du logement, à commencer par la région Ile-de-France, qui consacre moins de 5 % de son budget à ce besoin essentiel.

 

La politique du logement sera un sujet central de la campagne pour les élections régionales. L’occasion pour une gauche en mouvement de porter la revendication d’une véritable décentralisation de la politique du logement.

 

Karima Delli, députée au Parlement européen, Europe Ecologie ;

René Dutrey, conseiller Vert de Paris, administrateur de Paris habitat ;

Jean-Samuel Szakow, vice-président Gauche citoyenne de la Communauté d’agglomération du Val de Bièvre.

 

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