L’invitée du dimanche : Cécile Duflot
Propos recueillis par Eric Hacquemand Le Parisien, dimanche 13 décembre 2009
Robert Lion, Augustin Legrand, Cécile Duflot et Stéphane Gatignon au forum Europe Écologie Île-de-France, le 14 novembre 2009.
« Imaginez si Europe Ecologie gagnait dix régions… » La jeune secrétaire nationale des Verts est allée à Copenhague où se tient le sommet sur le réchauffement climatique. Tête de liste des écologistes en Ile-de-France aux régionales, elle espère créer la surprise.
Comment vous êtes-vous rendue au sommet de Copenhague ?
Je suis partie en train vendredi matin et j’ai mis quinze heures pour arriver. Par principe, je prends toujours le trains quand c’est possible. En plus, ce voyage m’a donné l’occasion de discuter avec les ONG. En revanche, je dois revenir dès ce dimanche en avion à Paris (NDLR : elle est l’invitée de France 2 à 13 heures).
Toutes ces personnalités politiques françaises qui se rendent à ce sommet, cela vous séduit ou vous fait sourire ?
Ce « copenhaguisme » aigu me fait sourire. Mais si cet afflux de tous bords permet de faire avancer la sauvegarde de la planète, très bien. Tout le monde est le bienvenu. Encore faut-il être à la hauteur de son déplacement… Pour ma part, en tant que secrétaire nationale des Verts, je suis pleinement dans mon rôle. D’autant que je m’y rends pour être utile, au moment de la manifestation citoyenne pour faire pression sur les discussions.
Quelles principales mesures faudrait-il prendre pour parler d’un sommet réussi ?
J’en vois deux. La première, apporter 110 milliards d’euros pour lutter, entre autres, contre la destruction des forêts et pour favoriser le recours aux énergies renouvelables dans les pays du Sud. La seconde, c’est la réduction de 40% par rapport aux niveaux de 1990 des gaz à effet de serre d’ici à 2020.
Nicolas Sarkozy et l’Union européenne avancent un chiffre de 30%…
Ce n’est pas assez ambitieux. Un taux de 40% permettrait de limiter le réchauffement à deux degrés supplémentaires. En deçà, la planète ouvre une porte sur l’inconnu. Je ne veux pas sombrer dans le catastrophisme mais le risque est réel.
Vous menez la liste Europe Ecologie en Ile-de-France aux élections régionales. Si vous étiez élue présidente de région, décideriez-vous d’instaurer des péages urbains ?
Que les choses soient claires : tant que les transports en commun en Ile-de-France ne seront pas à la hauteur en termes de régularité, de confort et de maillage, je m’oppose totalement à un péage urbain pour les voitures. Il ne faut pas faire payer ceux qui n’ont pas d’autre choix que la voiture pour se déplacer. Il serait préférable de mettre en place une taxe pour les camions. Ce système, qui est déjà en vigueur dans d’autres capitales européennes, permet de limiter le trafic des poids lourds et la pollution dans les villes.
Soutenez-vous les grévistes du RER A et B ?
Je comprends les grévistes et leurs motivations. En même temps, les usagers sont coincés. En janvier, nous présenterons un plan d’urgence avec effet immédiat dont l’objectif sera de désengorger ces lignes centrales. On peut par exemple penser à la mise en place de nouvelles lignes de bus qui permettraient, même provisoirement, de relier les différentes lignes de RER entre elles.
Les Verts passent souvent pour des partisans de la décroissance…
Nous dénonçons les gaspillages, c’est vrai. Nous subissons la société du jetable. Est-ce normal d’avoir un téléphone portable dont la durée de vie ne dépasse pas un ou deux ans ? Les Français sont prêts à changer leurs comportements beaucoup plus rapidement qu’on ne le dit. La prise de conscience des citoyens va plus vite que celle des politiques.
Que prévoyez-vous à Noël pour respecter la planète ?
Je décore mes petits sapins qui poussent dans mon jardin. Je mange bio pour les fêtes. Et j’achèterai peut-être un vélo pour mon fils…
Dans un récent sondage votre liste talonne celle du candidat PS Jean-Paul Huchon (21% contre 24%). Bénéficiez-vous d’un effet Copenhague ?
C’est difficile à dire, Europe Ecologie bénéficie d’une rencontre entre une volonté de changement de la part d’une partie de la population et un sens des responsabilités affiché par les écologistes. Cela s’est déjà manifesté le 7 juin lors des élections européennes. Aujourd’hui, notre état d’esprit est d’aller plus loin, plus vite, plus fort en Ile-de-France. A droite comme à gauche, tout le monde a récupéré les mots d’ordre de l’écologie. Mais ils en restent aux généralités. Je propose de passer du discours aux actes.
Pensez-vous pouvoir battre Huchon qui met en avant son profil de bon gestionnaire ?
Je joue la gagne, évidemment ! Car le seul moyen pour que cela change est de mettre les écologistes en responsabilité. Il n’est plus temps de gérer mais d’agir. Les vieilles habitudes un peu ancrées doivent disparaître.
Il y a un an, vous étiez inconnue. Aujourd’hui, vous êtes considérée comme une révélation politique. Comment gérez-vous cette brusque médiatisation ?
Avec prudence. Hier, c’était Olivier Besancenot ; aujourd’hui, c’est moi… Je regarde les phénomènes de mode médiatique avec lucidité. Mon agenda s’est un peu compliqué, mais je travaille toujours dans une agence d’urbanisme. Je prendrai un congé sans solde à partir de la semaine prochaine pour mener campagne. Si je deviens présidente en région, évidemment, je le serai à plein temps.
Pour Jean-Luc Mélenchon, « Les Verts ont attrapé la maladie de la grosse tête, l’équivalent politique de la vache folle »…
Une semaine il nous adore en nous proposant une alliance électorale, la semaine suivante, il nous déteste. C’est Jean-Luc, il est sympa, il fait son blog… Mais je suis dans la construction, pas dans la formule. Pour ces élections, nous refusons d’avancer des objectifs chiffrés. Mais je le dis aux électeurs : imaginez ce qui se passerait si Europe Ecologie gagnait dix régions ? On vivrait tous mieux, c’est ma seule ambition. L’immodestie est peut-être là.
Que répondez-vous au PS qui rejette sur Les Verts la responsabilité d’avoir empêché la composition d’une liste contre Georges Frêche en Languedoc-Roussillon ?
Le PS est gonflé ! Les Verts ont critiqué Georges Frêche, ses propos, sa façon de diriger la région. Et on a pris nos responsabilités en quittant sa majorité. Nous, nous tenons bon sur nos principes. Aux élections, nous présenterons au premier tour une liste de rassemblement qui dépassera très largement les rangs des écologistes. Et au second tour, il est hors de question de nous rallier à Georges Frêche.
Et quand Nicolas Sarkozy se prend pour le « DRH du PS », vous le prenez comme une plaisanterie ?
Pas vraiment. Son intervention révèle un état d’esprit détaché des vrais enjeux, très politicien et même méprisant. Il considère la politique comme un jeu. Je ne partage pas cette vision-là.
Il vous a nommé « Mme Soufflot »…
Je ne suis pas blessée. Mais au moins cela m’a donné l’occasion de découvrir l’épitaphe de Jacques-Germain Soufflot qui dit : « Il aima qu’au talent on joignît la droiture »… C’est ma réponse au président.